D'amour éternel - Anna Lucia Richter, Marine Chagnon, Johannes Brahms, Marcel Proust

D'amour éternel
(Von ewiger Liebe)
Chant : Anna Lucia Richter (mezzo-soprano)
Piano : Ammiel Bushakevitz
Brahms: Lieder ℗ 2022 Pentatone Music

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Marcel Proust, 161. Saint-Loup qui sans bien comprendre ce qui se passait dans la pensée de sa maîtresse, ne la croyait pas complètement sincère, ni dans les reproches injustes ni dans les promesses d'amour éternel, avait pourtant à certains moments le sentiment qu'elle romprait quand elle le pourrait, et à cause de cela, mû sans doute par l'instinct de conservation de son amour plus clairvoyant peut-être que Saint-Loup n'était lui-même, usant d'ailleurs d'une habileté pratique qui se conciliait chez lui avec les plus grands et les plus aveugles élans du coeur, il s'était refusé à lui constituer un capital, avait emprunté un argent énorme pour qu'elle ne manquât de rien, mais ne le lui remettait qu'au jour le jour. Et sans doute, au cas où elle eût vraiment songé à le quitter, attendait-elle froidement d'avoir « fait sa pelote », ce qui avec les sommes données par Saint-Loup demanderait sans doute un temps fort court, mais tout de même concédé en supplément pour prolonger le bonheur de mon nouvel ami - ou son malheur.

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D'amour éternel
(Von ewiger Liebe)
Chant : Marine Chagnon (mezzo-soprano)
Piano : Ingmar Lazar
Concert Générations France Musique, le Live, enregistré le 04 mai 2019

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Johannes Brahms, 4 Gesänge, Op. 43: No. 1, Von ewiger Liebe

D'amour éternel

Sombre, si sombre dans la forêt et les champs !
Le soir déjà tombe, le monde se tait.

Nulle part une lumière, nulle part une fumée,
Oui, même l’alouette se tait désormais.

Du village s’avance le garçon,
Il raccompagne sa bien-aimée chez elle,

La conduit le long des saules touffus,
Parle beaucoup, de mille choses :

« Si tu subis l’affront, si tu t’attristes,
Si l’on t’humilie à cause de moi,

Alors que l’amour se défasse bien vite,
Aussi vite qu’il nous unit jadis.

Qu’il s’en aille avec la pluie, qu’il s’en aille avec le vent,
Aussi vite qu’il nous unit jadis. »

La jeune fille répond, la jeune fille dit :
« Notre amour, rien ne le sépare !

Le fer est fort, l’acier plus encore,
Mais notre amour est plus fort encore.

Le fer et l’acier, on peut les forger,
Notre amour, qui le changerait ?

Le fer et l’acier peuvent se dissoudre,
Notre amour doit durer toujours. »

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Texte original allemand
August Heinrich Hoffmann von Fallersleben (1798 - 1874)

Dunkel, wie dunkel in Wald und in Feld!
Abend schon ist es, nun schweiget die Welt.

Nirgend noch Licht und nirgend noch Rauch,
Ja, und die Lerche sie schweiget nun auch.

Kommt aus dem Dorfe der Bursche heraus,
Gibt das Geleit der Geliebten nach Haus,

Führt sie am Weidengebüsche vorbei,
Redet so viel und so mancherlei:

"Leidest du Schmach und betrübest du dich,
Leidest du Schmach von andern um mich,

Werde die Liebe getrennt so geschwind,
Schnell, wie wir früher vereiniget sind.

Scheide mit Regen und scheide mit Wind,
Schnell wie wir früher vereiniget sind."

Spricht das Mägdelein, Mägdelein spricht:
"Unsere Liebe sie trennet sich nicht!

Fest ist der Stahl und das Eisen gar sehr,
Unsere Liebe ist fester noch mehr.

Eisen und Stahl, man schmiedet sie um,
Unsere Liebe, wer wandelt sie um?

Eisen und Stahl, sie können zergehn,
Unsere Liebe muß ewig bestehn!"

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