Fuis ! Tu ne sais pas qui je suis vraiment - Anna Lucia Richter, Robert Schumann - Marcel Proust : pour Albertine c'était une question d'essence : en son fond qu'était-elle ?
« Fuis ! Tu ne sais pas qui je suis vraiment »
Dialogue dans la forêt
(Waldesgespräch)
Chant : Anna Lucia Richter
Piano : Michael Gees
Robert Schumann
Marcel Proust, 406. Pour comprendre à quelle profondeur ces mots entraient en moi, il faut se rappeler que les questions que je me posais à l'égard d'Albertine n'étaient pas des questions accessoires, indifférentes, des questions de détail, les seules en réalité que nous nous posions à l'égard de tous les êtres qui ne sont pas nous, ce qui nous permet de cheminer, revêtus d'une pensée imperméable, au milieu de la souffrance, du mensonge, du vice et de la mort. Non, pour Albertine c'était une question d'essence : en son fond qu'était-elle, à quoi pensait-elle, qu'aimait-elle, me mentait-elle, ma vie avec elle avait-elle été aussi lamentable que celle de Swann avec Odette ? Aussi ce qu'atteignait la réponse d'Aimé, bien qu'elle ne fût pas une réponse générale, mais particulière - et justement à cause de cela -, c'était bien, en Albertine, en moi, les profondeurs.
Robert Schumann, Waldesgespräch
Dialogue dans la forêt
Il est déjà tard, il fait déjà froid,
Pourquoi chevauches-tu seule dans le bois ?
La forêt est longue, tu es sans soutien —
Ô belle fiancée, je te ramène chez les tiens !
« Grand est le mensonge, grande la ruse des hommes,
Mon coeur en fut brisé de peine et d'hommes.
Le cor du chasseur erre au loin, au vent —
Fuis ! Tu ne sais pas qui je suis vraiment. »
Si richement parés, le cheval et la femme,
Si beau, si jeune, son corps plein de flamme —
À présent je te reconnais, malheur sur moi !
Tu es la sorcière Loreley.
« Tu me connais bien — du haut rocher
Mon château regarde en silence le Rhin couler.
Il est déjà tard, il fait déjà froid,
Jamais plus tu ne sortiras de ce bois. »
Liederkreis opus 39 - n°3: Waldesgespräch
Texte original allemand : Joseph von Eichendorff
Es ist schon spät, es ist schon kalt,
Was reit'st du einsam durch den Wald?
Der Wald ist lang, du bist allein,
Du schöne Braut! Ich führ' dich heim!
„Groß ist der Männer Trug und List,
Vor Schmerz mein Herz gebrochen ist,
Wohl irrt das Waldhorn her und hin,
O flieh! Du weißt nicht, wer ich bin.“
So reich geschmückt ist Roß und Weib,
So wunderschön der junge Leib,
Jetzt kenn' ich dich—Gott steh' mir bei!
Du bist die Hexe Loreley.
„Du kennst mich wohl—von hohem Stein
Schaut still mein Schloß tief in den Rhein.
Es ist schon spät, es ist schon kalt,
Kommst nimmermehr aus diesem Wald!“