Berceuse - Anna Lucia Richter, Johannes Brahms - Marcel Proust : pour nous bercer d'un beau songe ou nous consoler d'un gros chagrin

Berceuse
(Wiegenlied)
Chant : Anna Lucia Richter
Piano : Ammiel Bushakevitz
Wigmore Hall, Londres, octobre 2021

Marcel Proust, 131. Mais puisque nous sommes incapables tandis que nous aimons d'agir en dignes prédécesseurs de l'être prochain que nous serons et qui n'aimera plus, comment pourrions-nous tout à fait imaginer l'état d'esprit d'une femme à qui même si nous savions que nous lui sommes indifférents, nous avons perpétuellement fait tenir dans nos rêveries, pour nous bercer d'un beau songe ou nous consoler d'un gros chagrin, les mêmes propos que si elle nous aimait ? Devant les pensées, les actions d'une femme que nous aimons, nous sommes aussi désorientés que le pouvaient être devant les phénomènes de la nature, les premiers physiciens (avant que la science fût constituée et eût mis un peu de lumière dans l'inconnu). Ou pis encore comme un être pour l'esprit de qui le principe de causalité existerait à peine, un être qui ne serait pas capable d'établir un lien entre un phénomène et un autre et devant qui le spectacle du monde serait incertain comme un rêve.

"Bienheureux les assoupis : car ils s'endormiront bientôt. —
Ainsi parlait Zarathoustra." — Friedrich Nietzsche

Johannes Brahms

Berceuse

Bonsoir, bonne nuit,
parée de roses,
ornée de petits oeillets,
glisse-toi sous la couverture.
Demain matin, si Dieu le veut,
tu seras de nouveau éveillé.

Bonsoir, bonne nuit,
gardée par les petits anges !
Ils te montreront en rêve
l'arbre de l'Enfant Jésus :
dors maintenant, heureux et doux,
vois en rêve le paradis.

Wiegenlied
Texte original allemand : Georg Scherer

Guten Abend, gut' Nacht,
Mit Rosen bedacht,
Mit Näglein besteckt
Schlupf' unter die Deck'.
Morgen früh, wenn Gott will,
Wirst du wieder geweckt.

Guten Abend, gut' Nacht,
Von Englein bewacht!
Die zeigen im Traum
Dir Christkindleins Baum:
Schlaf' nun selig und süß,
Schau im Traum's Paradies.