René Girard : Proust et Dostoïevski - Denis de Rougemont : On en vient à désirer que l'être aimé soit infidèle, pour qu'on puisse de nouveau le poursuivre et ressentir l'amour en soi. - Marcel Proust : La vie de l'amour de Swann, la fidélité de sa jalousie, étaient faites de la mort, de l'infidélité, d'innombrables désirs, d'innombrables doutes, qui avaient tous Odette pour objet
René Girard : "Chez Dostoïevski, on s'insulte, on se crache au visage et, quelques instants plus tard, on est aux pieds de l'ennemi, on lui embrasse les genoux. Cette haine qui adore, cette vénération qui traîne dans la boue et même dans le sang, forme paroxystique du conflit engendré par la médiation interne.
Denis de Rougemont dans L'Amour et l'Occident (...) reconnaît, explicitement, le lien qui unit les formes les plus « nobles » de la passion à la jalousie morbide, telle que nous la décrivent un Proust et un Dostoïevski : « Jalousie désirée, provoquée, sournoisement favorisée », observe très justement Rougemont : « On en vient à désirer que l'être aimé soit infidèle, pour qu'on puisse de nouveau le poursuivre et "ressentir l'amour en soi". »"
René Girard, Mensonge romantique et vérité romanesque
Marcel Proust, 092. Car ce que nous croyons notre amour, notre jalousie, n'est pas une même passion continue, indivisible. Ils se composent d'une infinité d'amours successifs, de jalousies différentes et qui sont éphémères, mais par leur multitude ininterrompue donnent l'impression de la continuité, l'illusion de l'unité. La vie de l'amour de Swann, la fidélité de sa jalousie, étaient faites de la mort, de l'infidélité, d'innombrables désirs, d'innombrables doutes, qui avaient tous Odette pour objet. S'il était resté longtemps sans la voir, ceux qui mouraient n'auraient pas été remplacés par d'autres. Mais la présence d'Odette continuait d'ensemencer le coeur de Swann de tendresses et de soupçons alternés.